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LE PATRIMOINE HISTORIQUE DE L'ÉCOLE DES GARDES FORESTIERS DE LA PROVINCE DU QUÉBEC, 1923-1934


Par Yves Hébert, historien 

On doit la création de l’École technique des gardes forestiers de Berthierville à Gustave Clodomir Piché (1879-1956). Celui-ci est reconnu comme l’un des premiers ingénieurs forestiers de la province puisqu’il a mis sur pied la pépinière de Berthierville en 1908 et, deux ans plus tard, l’École des sciences forestières de l’Université Laval. On le considère aujourd’hui comme le pionnier de la foresterie québécoise.  

 

Un projet nécessaire 

Au début des années 1920, l’ingénieur Piché poursuit des démarches pour obtenir une école de gardes forestiers, car le besoin de former des professionnels se fait sentir de plus en plus, notamment au ministère des Terres et Forêts. À la fin de l’année 1922, le gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau est prêt à investir 40 000 $ pour l’achat d’un terrain et pour le paiement du coût de construction de l’école et de ses équipements. Il prévoit une allocation annuelle de 20 000 $ pour le fonctionnement de cette institution d’enseignement. Le projet de loi comprend l’ouverture d’une école de papeterie à Shawinigan, puisque l’industrie papetière connaît un bel essor à la même époque. Ces deux projets verront le jour en 1923.  

Les autorités de la pépinière de Berthierville acceptent d’accueillir la nouvelle école des gardes forestiers dans le chalet de ses employés. Construit en 1916, ce bâtiment avait servi auparavant aux travailleurs de la pépinière.  

 

La formation 

La création de l’École technique des gardes forestiers s’inscrit dans une vaste prise de conscience que les ressources forestières ne sont pas inépuisables. Pour préserver la forêt, l’inventorier et l’aménager pour la sylviculture, il faut agir sur plusieurs fronts : former des ingénieurs forestiers, des gardes forestiers, des garde-feux et améliorer les connaissances sur la forêt. 

L’ingénieur forestier Henri Roy (1889-1941) est le premier à occuper le poste de directeur à l’École technique des gardes forestiers de Berthierville. Ayant été à la direction de la pépinière provinciale de 1912 à 1916, il travaille pour le service de classification des terres du département des Terres et Forêts de 1912 à 1918 et pour l’usine Belgo-Canadian Pulp and Paper Co.  

L’organisation de l’école représente un certain défi. Tout est à planifier : le programme scolaire, les travaux pratiques et l’embauche des professeurs. En septembre 1923, 16 élèves sont inscrits. Devant l’augmentation du nombre d’élèves, Henri Roy espère pouvoir utiliser les locaux de l’édifice destinés à la pépinière et à sa station de recherche et que l’on attend impatiemment. En 1927, six professeurs dispensent la formation aux futurs gardes forestiers. En 1934, ils sont au nombre de neuf, et des chercheurs de la pépinière se joignent au groupe. C’est le cas de l’entomologiste Lionel Daviault et du pathologiste René Pomerleau. Ce dernier est reconnu aujourd’hui comme l’un des pionniers de la mycologie québécoise. 

Henry Roy propose un programme de 19 cours. D’une durée d’un an et demi, ce programme comprend trois sessions et trois périodes de travaux pratiques. Parmi les cours essentiels, on compte la dendrométrie, l’estimation, l’arpentage et la topographie. Des cours sur les sols, le reboisement, la protection et les mathématiques sont également au programme. On demande aux élèves d’effectuer des exercices pratiques pour certaines de ces matières.  

Avec les années, le programme devient un cours moyen en foresterie contribuant à la formation des gardes forestiers, des mesureurs de bois, des assistants-ingénieurs-forestiers, des contremaîtres et des surveillants d’exploitation. La clientèle est variée et comprend des gardes forestiers du service forestier du gouvernement, des mesureurs de bois et des jeunes gens ayant travaillé pour des arpenteurs, des ingénieurs forestiers ou des compagnies forestières. 

En 1934, le bilan de l’école est très positif. Depuis sa création, 176 élèves ont obtenu leur diplôme. Ils seront engagés pour effectuer différents travaux liés à la surveillance des coupes, au mesurage du bois et aux inventaires forestiers. Ils se retrouveront à l’emploi du ministère des Terres et Forêts, du ministère de la Chasse et de la Pêche et dans des compagnies d’exploitation forestière.  

En raison de l’augmentation du nombre d’élèves, le besoin d’utiliser un édifice plus vaste que le chalet de la pépinière se fait sentir. Dans ses rapports au Ministre, Henri Roy souligne régulièrement qu’un changement est nécessaire. Idéalement, l’école devrait être implantée à proximité d’une forêt pour favoriser les travaux pratiques. Le rêve du directeur de l’école se concrétisera en 1934. À sa demande, la nouvelle école sera située au centre d’une forêt de 4 000 acres à Duchesnay, sur les bords du lac Saint-Joseph.  

Entre 1923 et 1934, l’École technique des gardes forestiers de Berthierville a remporté un franc succès. Son directeur Henri Roy a contribué à poser les premiers jalons d’une formation menant à la professionnalisation des gardes forestiers et des garde-feux.  

 

Remerciements pour certaines informations :  

Evelyne Mercier, MRC de D’autray. 

 

Sources :  

Le Devoir, 20 décembre 1922, p. 6. 

Le Canada, 12 juillet 1923, p. 1. 

AUGER, Pierre, « L’école des gardes forestiers de Duchesnay, (1934) ou la station forestière de Duchesnay », Histoires forestières, (juillet 2021), pp. 43-49. 

CASTONGUAY, Stéphane, « Foresterie scientifique et reforestation : l’État et la production d’une “forêt à pâte” au Québec dans la première moitié du xxe siècle », Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 60, no 1-2 (automne 2006), pp. 61-93. 

MRC de D’Autray, Inventaire du patrimoine bâti.  

Rapport du ministre des Terres et Forêts de la province de Québec, Rapports annuels du directeur de l’école des gardes forestiers de Berthierville, 1916, 1923-1934. 

The Forestry Chronicle, https://pubs.cif-ifc.org/doi/pdf/10.5558/tfc17181-4 

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